Manon Verdelet

Au cours de son développement, à certains moments de sa vie, l'enfant peut se montrer particulièrement agité, présenter des comportements inhabituels, voire même violents, perturbant non seulement sa scolarité mais aussi l'ambiance familiale.

Il peut s'agir d'un simple passage, d'une période de remaniement psychique favorable à son développement et contribuant à sa construction psychique. Mettre alors du sens sur ce que traverse l'enfant et comprendre l'importance de ce passage peut alors aider toute la famille à mieux accueillir ces comportements, ce qui apaisera l'enfant et l'aidera à dépasser plus sereinement cette phase.

Cependant de telles modifications comportementales peuvent aussi dévoiler une manifestation d'angoisse ou l'expression d'une souffrance que l'enfant ne parvient pas à mettre en sens. Il n'a pour seul recours que l'agitation, n'ayant pas les mots pour dire ses tourments. Créer du conflit autour de lui attire l'attention, nous pouvons entendre cela comme un appel à l'Autre, à l'adulte.

Dans la rencontre avec l'enfant, le recours à des médiations, tels le dessins, le jeu, la manipulation de pâte à modeler... lui permet de projeter son conflit psychique et de le nommer, le penser autrement qu'avec des mots, qui bien souvent lui manquent. La mise en place d'un suivi psychothérapeutique peut alors permettre à l'enfant de mettre en sens et en mots ce qui le traverse et l'agite. Il trouvera alors peu à peu l'apaisement nécessaire pour bien grandir et investir de nouveau les apprentissages.

L'adolescence est un temps de l'entre-deux : plus tout à fait enfant, il n'est cependant pas encore adulte. Les parents, idéalisés dans l'enfance, tombent de leur piédestal à l'adolescence, ils deviennent normaux, pouvant induire chez certains adolescents un rejet, voire de la violence verbale ou même physique.
Cette perte d'idéaux et de repères rend incertaine la place de l'adolescent, n'ayant plus de repères familiaux, se détachant de la dépendance à ses figures parentales, il cherche à s'inscrire dans une place plus large, à savoir dans la société. Les passages à l'acte des adolescents sont une forme de scénarisation de leurs conflits psychiques, qu'ils projettent à l'extérieur. Ils cherchent à tout prix à combler un vide désespérant, en envahissant l'espace de mises en scène provocantes et bruyantes. Les agirs adolescents s'articulent à l'instabilité de leur monde interne.

En effet, la période de l'adolescence correspond à l'apparition de la puberté, l'irruption de ce que nous appelons le pubertaire. L'adolescent se voit obligé de composer avec des exigences nouvelles d'un corps qui lui échappe et peut lui sembler étranger. Il est soumis à un travail de resymbolisation quant à l'image de son corps, travail qui n'est pas sans s'accompagner d'angoisses, et qui rend difficile le maintien du sentiment de la continuité de l'existence. Il peut alors avoir recours à des conduites à risque, dans une recherche de sensations fortes qui lui procureraient le sentiment d'être vivant, pour lutter contre une angoisse d'anéantissement. Dans l'acte, l'adolescent sort ainsi de la passivité des transformations de son corps, vécu comme étranger à lui-même. Le recours à l'acte permet de se réapproprier son corps.
En même temps, les passages à l'acte, souvent dangereux ou violents, procurent une anesthésie provisoire de la souffrance et permettent de faire taire l'angoisse débordante.

Nous pouvons entendre ces comportements comme une tentative d'être, un appel cherchant à être entendu.

Le but de la prise en charge psychothérapeutique des adolescents serait ainsi de passer de cette quête violente de sensations fortes à des conflits psychiques intériorisés, représentés et verbalisés. Instaurer une relation de confiance avec une personne tierce, afin de favoriser la mise en mots et le dialogue, aidera l'adolescent à trouver sa voie.

La victimologie est avant tout un terme de droit. Une victime est une personne qui a subi un préjudice reconnu par une loi. La reconnaissance du statut de victime permet une indemnisation, en réparation du préjudice subi, mais également une réparation symbolique, par la reconnaissance de la société envers la victime.
La psychotraumatologie concerne quant à elle toutes les manifestations psychologiques que la personne victime (reconnue ou non comme telle) va développer en réponse à un événement subi, agression physique, psychologique, voire même événement traumatisant, inattendu et effractant.

Chez l'enfant, les conséquences à court terme et à long terme peuvent être désastreuses tant sur le plan de la santé physique que mentale. Le risque de développer un stress post-traumatique est très important, avec des symptômes de reviviscence de l'événement et d'évitement du problème (qui peut aller jusqu'à l'amnésie). En effet, étant des êtres en devenir, en pleine construction identitaire, le fait d'être victimes de violences peut avoir des répercussions durables sur la vie quotidienne et notamment sur la structure globale de la personnalité. Cela s'intègre dans leur identité et dans leur mode de relation au monde, perturbe leur représentation de l'environnement et imprègne tout leur être, provoquant des failles psychologiques, des fragilités importantes de la relation à l'autre. Cela a un impact négatif sur leur intégrité et leur développement. Le traumatisme induit s'inscrit en effet dans une dimension développementale, perturbant la construction de l'identité de l'enfant, sa structuration. Une perte de confiance très précoce en l'autre va alors perturber sa manière d'être en relation.

A l'age adulte, l'irruption d'un événement potentiellement traumatique, violent, inattendu, peut également induire de vives perturbations chez la personne victime. Nous pouvons observer des symptômes de stress post-traumatique, tels que :
⁃ des reviviscences (souvenirs répétitifs et envahissants, cauchemars, flashback...)
⁃ des conduites d'évitement (évitement du lieu, des personnes associées à l'événement, ou même tentative d'évitement des pensée, souvenirs, émotions, …)
⁃ des altérations cognitives et émotionnelles (difficultés de remémoration de l'événement, chute de l'estime de soi, méfiance abusive à l'égard des autres, émotions négatives persistantes et envahissantes, baisse de l’intérêt pour les activités extérieures, conduite d'isolement, …)
⁃ une hyperactivation du système nerveux (irritabilité, colère, apparition de comportements à risque, hypervigilance, sursauts, difficultés de concentration, troubles du sommeil, …).

Lorsqu'une personne développe ce type de symptôme, il paraît nécessaire de trouver un espace sécurisant et une écoute adaptée pour parler de l'événement vécu, afin de remettre en mouvement une pensée qui semble s'être figée. Un travail de liaison entre l'affect et la représentation de l'événement se met en place, permettant de remettre du sens là où il n'y en avait plus, là où le sentiment de la continuité de l'existence s'était vu effracté.

Texte : Manon Verdelet & Illustration : Fabien Parisot

Dans ma pratique, je rencontre des enfants perturbés qui n’ont pas les mots pour dire ce qui les agite, et des parents démunis, qui ne comprennent plus ce que traversent leurs tout-petits.

L’utilisation de média (livres, dessins, pâte à modeler…) est nécessaire pour sortir ces petits patients de leur silence et les aider à mettre du sens sur ce qu’ils vivent.

Ce projet répond au constat d’un manque dans ma pratique. La nécessité de créer un nouveau média adapté s’est imposée : un outil projectif permettant aux enfants de libérer leur parole concernant toutes les violences auxquelles ils peuvent être confrontés.

Ce projet s’adresse à tout adulte (thérapeute, enseignants, parents) qui souhaite accompagner l’enfant victime à sortir du silence.

Ce livre s’adresse aux enfants, mais il s’agit avant tout d’un outil thérapeutique utilisé dans l’échange avec l’adulte pour aborder l’effet de la violence et du non-dit. Il favorise la libération de la parole de l’enfant et la reconnaissance de son statut de victime. L’enfant victime peut être entendu, il suffit de l’écouter.

On suit le quotidien d’un enfant confronté à une relation toxique, réduisant l’enfant au silence et induisant un profond malaise.

Son malfaiteur est un anonyme, sans age et sans sexe. L’acte lui-même n’est jamais révélé, seulement représenté par la forme d’une ombre, caractérisant l’emprise de l’Autre sur l’enfant. Ce livre concerne tout type de violence, allant de la plus ordinaire à la plus traumatique, voire criminelle.

L’enfant inquiète l’entourage qui va solliciter l’aide d’une professionnelle de l’enfance : une psychologue, thérapeute d’enfant. Celle-ci va accompagner l’enfant, en instaurant un climat de confiance, de bienveillance, favorisant une alliance thérapeutique, jusqu’à ce qu’il puisse lever son secret.

La langue se délie, l’ombre qui planait est alors éclairée par la mise en mot. L’ombre s’évapore, libérant notre petit héros de ce poids écrasant.

L’illustration : Fabien Parisot est illustrateur, et graphiste digitale. - Website

A l’aide de ses illustrations il met sa créativité au service de projets engagés et militants et est particulièrement attaché à mettre en lumière des tabous, comme notamment lors de précédents créations abordants des sujets comme la prostitution étudiante, les abus sexuelles ou le parcours d’éxil.

Projet en partenariat avec le Fondation "La vie au grand Air" - Website

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